Rencontre avec Masab Saoud journaliste syrien

Loudéac. Masab Saoud, réfugié syrien

« Elhagytain a Hazamat. J’ai quitté mon pays ». Comme dans la chanson d’Enrico Macias (2001). Masad Saoud, 40 ans, journaliste, a quitté sa maison et perdu sa patrie, la Syrie. Avec sobriété, il raconte son histoire qui l’a conduit jusqu’à Loudéac où il a émigré par obligation, avec sa famille. Ils y ont du réconfort, bien accueillis par les Bretons.

Le Telegramme 04 01 2016 Semaine 51 T ES L Rencontre avec Masab Saoud journaliste syrien

Masab Saoud vivait en Syrie où il était journaliste. Mais, le 15 mars 2011, tout bascule. Son pays s’enflamme, des défilés protestataires s’organisent dans les rues de Deraa, une ville moyenne au sud de Damas. Le lendemain, quatre personnes sont tuées. Des centaines d’autres blessées. L’armée tire à balles réelles. Une centaine de morts et 20.000 personnes assistent aux funérailles. Les manifestations vont essaimer dans tout le pays. La révolution est en marche.

Emprisonné dans un placard

Le 29 septembre, cerné par des voitures de police, Masad Saoud, qui faisait son métier de journaliste, est arrêté. « J’ai été emprisonné dans un placard de 1,76 m sur 0,70 m », se souvient-il. Les toilettes ? Trois fois par jour et la nourriture, passée à travers une petite ouverture. Et une lumière violente, permanente pour l’empêcher de dormir. Huit mois dans trois prisons différentes, dont une militaire. Celui-ci ne manie pas les armes : il combat avec les mots. Ses mots de journaliste à « Sana Press », l’AFP française, proche de l’Agence Tass russe par ses méthodes. Des écrits qu’il publiera sur internet en feront un activiste central de la révolution. Des écrits non conformes à la ligne politique du régime. Le 7 avril 2012, Masad est libéré contre paiement d’une somme d’argent. Une caution ? « Non, une rançon exigée auprès de ma famille ». Et que ses tortionnaires se partageront…

Obligé de partir

Il est alors libéré, mais avec l’obligation de partir. Destination le Liban, tout d’abord, où il travaille pour le journal El Hayet. « Cependant, le Liban n’était pas sûr. Le Hezbollah y est très présent, menaçant. » Des démarches sont donc engagées par l’ONU auprès du Consulat de France. Les mois passent et, finalement, après bien des incertitudes, Masab Saoud obtient le précieux sésame. Il arrivera le 10 février 2015 à Loudéac, accueilli par les Restos du coeur, avec son épouse et ses enfants, Aghiad, 8 ans, et Line, 7 ans. Ceuxi-ci fréquentent aujourd’hui l’école Jacques-Prévert où lui-même s’est rendu pendant quinze jours pour perfectionner son français.

Retourner dans son pays

« Les Loudéaciens sont gentils », n’arrête-t-il pas de dire. Une conférence au lycée Fulgence-Bienvenüe (lire ci-dessous) et des écrits pour « HOMS » lui permettent d’affirmer ses convictions et son envie de retour au pays. Quand ? « Lorsque le soleil ne se cachera plus derrière des nuages de poussières assassines. Parce que j’ai honte. Lorsque le ciel cessera de verser des larmes de sang. Lorsque la parole de l’homme s’érigera en statue de la Liberté. » Masad Saoud, le regard voilé par des larmes naissantes, pensera « Ana la anssa ». Ou dira dans un français impeccable « Loudéaciens, je ne vous oublierai jamais. »

Un témoignage bouleversant

Juste avant les vacances de Noël, dans le cadre d’une semaine spéciale riche en rencontres, les élèves du lycée Fulgence-Bienvenüe ont bénéficié d’une conférence de Masab Saoud. Ils ont été très attentifs aux propos tenus par le journaliste qui les a mieux informés sur le drame syrien. Un pays qui a perdu 50 % de son PIB depuis 4 ans

Des images choc

Son intervention a été ponctuée de clichés leur montrant, par exemple, un des nombreux camps de réfugiés syriens en Jordanie, un pays frontalier qui en accueille 2,5 millions. « La Turquie et le Liban en " hébergent " également 2,5 millions, a-t-il expliqué. Le Maroc et l’Arabie Saoudite, 2 millions. Au total, avec les déplacés à l’intérieur du pays, on dénombre 14 millions de réfugiés sur une population de 25 millions d’habitants ». Masab Saoud a projeté une photo de Deraa, une ville du sud-ouest de la Syrie, proche de la Jordanie, et la première où ont afflué des manifestants. « Elle a été la cible de l’armée syrienne. Il y a eu des centaines de morts et cette ville de 73.000 habitants a été entièrement détruite. » Un cliché a particulièrement bouleversé les lycéens. Celle d’un jeune banlieusard de Damas qui n’a plus mangé depuis plusieurs semaines. « La famine est monnaie courante dans les faubourgs de Damas ».

© Le Télégramme

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